J’ai parlé des succès de la construction modulaire, mais il est tout aussi important de tirer les leçons des erreurs du passé, de capitaliser sur nos échecs.
De la même manière que l’on ne prépare pas un projet de la même manière en loi MOP ou en conception-réalisation, on ne monte pas un projet de la même manière en construction traditionnelle et en construction modulaire.
Les différences sont importantes, et expliquent la plupart des échecs du modulaire.
Erreur n°1 : Monter le projet comme un projet traditionnel (MOA)
Toute morphologie de projet n’est pas adaptée au modulaire, et les gabarit constructifs ont un impact important sur le mode constructif dès le plan d’urbanisme.
Le produit modulaire est fabriqué en usine et est ensuite transporté sur site, et bien dimensionner ses éléments est une clé importante dans la rentabilisation de leur fabrication et de leur transport. Plus le module remplit un gabarit routier plus il rentabilise ses matériaux et son transport. Un bâtiment au gabarit adapté est donc un bâtiment plus rentable.
Ensuite, alors que le bâtiment « traditionnel » est conçu de manière générique, le succès de la conception modulaire repose sur l’intégration des produits mis en œuvre dès les phases amont du design, et donc une collaboration étroite entre les industriels et la maîtrise d’œuvre. L’intégration des contraintes industrielles (DfMA et sérialisation) peut avoir un impact financier important, voire rédhibitoire (10 à 25% d’écart de prix !)
Le module, vraie partie de bâtiment, intègre de nombreux corps d’état y compris techniques. Cette complexité a un impact important sur le mode de consultation, notamment sur la décomposition classique du bâtiment. Il faut donc réécrire l’ensemble des documents de consultation, depuis le règlement de consultation jusqu’au DPGF afin d’intégrer cette technique constructive.
Erreur n°2 : Penser que l’on construit les mêmes bâtiments en modulaire (MOE)
Certaines maîtrises d’œuvre défendent que le modulaire doit s’adapter au projet que l’on conçoit. Cela s’appelle construire de manière traditionnelle, et concevoir sans prendre en compte le module, sa fabrication et son environnement est le moyen le plus sur de dépasser le budget.
Construire en modulaire requiert une maîtrise globale de la fabrication du module et de sa mise en œuvre (cf article). Selon le bâtiment, sa destination et son budget, il est nécessaire d’adapter son approche afin d’optimiser sa fabrication et sa modularisation.
Mais la prise en compte de la technologie modulaire ne se limite pas à la conception des modules, elle s’étend à une réflexion globale à l’échelle du bâtiment et de son mode constructif. Construire modulaire, c’est le plus souvent construire hybride, et les interfaces entre les modules et les autres corps d’état et métiers sont aussi importantes que le module lui-même.
La responsabilité de l’architecte dans le bâtiment modulaire, c’est d’intégrer dans une création qualitative et originale des éléments qui répondent à une logique industrielle, après tout de la même manière que l’on intègre des systèmes de façade complexes ou des équipements techniques spécifiques.
Erreur n°3 : Construire comme on le fait d’habitude (ENT)
Entre les métiers de la construction et ceux de l’industrie, il existe un vrai choc culturel. L’approche chantier repose sur l’adaptation permanente, l’agilité et le changement (plus ou moins géré) ; alors que l’approche industrielle repose sur la planification, le flux tendu et la précision.
C’est cette différence qui explique que les bâtiments 100% traditionnels ou 100% modulaires sont en général des succès (dans les 4 mois de retard moyen dans le traditionnel), alors que les bâtiments hybrides essuient des revers plus importants, et voient souvent leur planning se rallonger par rapport aux projections initiales (tout en restant performant !).
En effet, le modulaire hybride est plus compliqué à gérer. Le chantier devient le lieu de rencontre de deux mondes, de deux cultures. D’un côté les entreprises du modulaire ne sont pas toutes équipées pour gérer des chantiers en lots séparés et de l’autre les entreprises générales ne savent pas toutes construire avec des modules.
Et pourtant c’est dans l’alliance de ces deux mondes que réside le plein potentiel du modulaire. Les entreprises générales pourraient prendre en charge les parties traditionnelles, la conduite de chantier, et intégrer le produit modulaire aux endroits pertinents, réduisant leur charge de travail sur un marché qui aujourd’hui n’arrive plus à répondre à la demande. Tout le monde y serait gagnant.
Conclusion
Toute innovation arrive avec son lot de changements et d’adaptations. Le BIM est l’exemple phare dans le bâtiment, avec un déploiement toujours très hétérogène après une dizaine d’années de démocratisation.
Le succès du projet modulaire – comme du projet BIM – est dans la conduite du changement. IL faut adapter notre mode de travail, et savoir remettre en question nos modèles et nos références.
Le meilleur moyen d’y arriver est -comme toujours – d’échanger, de s’enrichir des expériences des autres, soit en intégrant ces compétences au sein de sa structure, soit en faisant appel à des consultants, qui peuvent vous accompagner dans la conduite, la conception et la réalisation d’opérations modulaires (BIMfox !).
Et surtout, il faut profiter ce ces expériences pour capitaliser, intégrer un vrai REX à chaque opération, créer systématiquement de nouveaux modèles pour les dossiers de consultation, partager ses réussites et ses échecs à chaque opération !