Comment un architecte est tombé amoureux du modulaire et pourquoi il ne reviendra pas en arrière

Si vous avez lu mes trois articles introductifs au modulaire : Le bâtiment modulaire est moins cher, mais pourquoi il faut arrêter de le dire ; Comment le modulaire - vertueux mais non conventionnel - disrupte le développement durable ou encore Pourquoi tout ne peut pas être construit en modulaire, et quels bâtiments y gagnent vraiment (où va le modulaire?), vous aurez vite compris que j’ai un certain penchant pour ce mode constructif.

Je ne suis pas payé par les industriels, cette affinité est le résultat d’un parcours bien particulier et d’une aventure personnelle, je vais expliquer ici comment moi, architecte à cœur, j’ai découvert le modulaire et pourquoi je m’y accroche tellement.

La bataille de l’architecte

Fraîchement diplômé de l’ENSAPVS (2008), je débute ma carrière d’architecte dans la structure familiale, chez Jourda Architectes Paris. Il suffit de quelques années pour découvrir les déboires du métier d’architecte.

Le monde du bâtiment est en conflit. Le dialogue est brisé. Les flux de productions inefficaces. Chacun accuse les autres de faire plus d’argent ou d’être incompétent. L’entreprise générale n’est là « que pour le pognon », le promoteur se « fait des marges de fou », ou encore « les entreprises sont nulles ».

Hors l’ensemble de la chaîne de production du bâtiment est en souffrance. On construit toujours moins cher et à prix toujours plus compétitifs des bâtiments toujours plus complexes et qualitatifs ;  le milieu est tellement atomisé que l’industrie dans son ensemble n’arrive pas à se faire entendre.

Ce chaos et cette désorganisation sont responsables des grands maux du bâtiment, dont l’explosion de la sinistralité, des retards de livraison, la baisse de qualité des bâtiments livrés et j’en passe. 

discorde du batiment

La beauté et les limites du BIM

C’est donc tout naturellement, dans ma recherche d’amélioration des conditions de l’architecte que je me tourne en 2013 vers la maquette numérique du bâtiment. Le BIM doit permettre une collaboration générale, une fiabilisation des conceptions et une transparence totale entre les concepteurs.

J’en fais mon cheval de bataille, ma spécialité . Je deviens vite certifié professionnel chez Autodesk et développe un expertise importante sur le logiciel Revit. Je deviens même un des premiers Expert Elite en France.

Le projet de bâtiment bénéficie largement et qualitativement de la maquette BIM, en cohérence et en fiabilité. Lorsque nous prenons les premières missions en BIM, nous découvrons un nouveau monde de problèmes. Les théoriciens se sont emparés du sujet et ont créé une machine infernale qui ne s’applique pas à la réalité des métiers du bâtiment, personne n’est capable de suivre une convention BIM de 200 pages.

Programmer pour rendre le BIM plus accessible et surtout plus utile

Accessibilité BIM via la VR

Cette complexité du BIM est un vrai problème sur lequel nous nous pencherons avec Etudes et Automates. Nous nous attaquons à automatiser les tâches répétitives et punitives grâce à l’exploitation de la maquette numérique BIM.

Nous automatisons tout d’abord la création des plans de vente, puis créons toute une série d’outils qui nous permettent de produire plus vite et plus fiable en nous appuyant sur des algorithmes qui réalisent toute une partie du travail de manière autonome. (voir Etudes et Automates)

De mon côté, je développe l’approche conception par l’algorithme, et me penche sur l’application du BIM à la fabrication du bâtiment avec des méthodes plus modernes, avec des machines semi-automatisées qui pourraient se nourrir de la maquette BIM.

C’est à ce moment que je re-rencontre Pascal Chazal avec lequel j’avais beaucoup travaillé par le passé.

Industrialiser la construction

Ensemble nous menons une réflexion autour du hors-site, du modulaire et des outils numériques. Groupes de réflexion et échanges nous mènent vite à considérer une autre forme de collaboration, Pascal ayant monté le Groupe Hors Site (Hors site Magazine, Campus Hors Site et Hors Site conseil.

C’est dans ce groupe que j’ai pu découvrir, grâce à Pascal, un microcosme de talents, d’ingéniosité et de richesses cachées. Imaginez mon soulagement lorsque je découvre que le bâtiment pourrait se construire de manière fluide, organisée, un peu comme dans toutes les autres industries qui existent.

Le monde industriel, c’est un monde de planification, de collaboration, d’efficience (LEAN) et de transparence. Industrialiser le bâtiment, ce n’est plus le construire mais l’assembler, ce n’est plus une pièce moulée sur place et inamovible, mais un assemblage élégant d’éléments parfaitement conçus grâce aux talents de l’architecte et de l’industriel.

Mon nouveau paradigme

Concevoir modulaire, c’est réfléchir à un produit de luxe, réalisé avec soin, qui s’améliore à chaque construction, à chaque projet grâce à la prise en compte des retours utilisateurs et clients. C’est offrir des bâtiments qui s’améliorent avec le temps, que l’on ne réinvente pas complètement à chaque fois, avec toujours le mêmes erreurs.

surcharge du batiment intelligentConstruire en modulaire, c’est construire flexible dans le temps, c’est préserver les ressources en espace en pouvant monter, démonter, déplacer, remplacer des bâtiments ; c’est également développer une filière où le bâtiment ne sera plus un déchet en fin de vie , mais une mine de ressources, que nous pourrons récupérer et réutiliser dans de nouvelles constructions.

L’industrie du modulaire, ce sont des emplois stables, des conditions de travail agréables et moins pénibles, des emplois qualifiés et de vraies perspectives de carrière pour tous. C’est travailler à 10km de chez soi et non pas dans un rayon de 100km. L’industrie modulaire, c’est l’opportunité de réindustrialiser des bassins d’emploi, de produire en France, de redonner de l’attractivité à une industrie qui n’attire plus personne.

Pour toutes ces raisons, le modulaire est devenu mon domaine de prédilection, et c’est dans cette lancée que je mène cette initiative d’écrire des articles, d’expliquer pourquoi et comment ce mode construire peut nous aider à être plus vertueux dans notre occupation de la planète.

C’est dans cette démarche également que je vous invite à critiquer, répondre, discuter avec nous autour du modulaire, à participer avec nous à cette nouvelle aventure dans le monde du bâtiment.

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Pourquoi le niveau d’achèvement hors site est dépendant du niveau de BIM