Le bâtiment modulaire est moins cher, mais pourquoi il faut arrêter de le dire

Dans ma carrière au service du bâtiment, et notamment d’accompagnement dans la mise en œuvre de techniques de construction hors site, on m’a souvent demandé de construire des projets modulaires, déplaçables, conformes à la RE2020, vertueux en bilan carbone, et surtout…

… moins chers

Pourquoi le bâtiment modulaire est-il toujours moins cher dans l’esprit de nombreuses maîtrises d’ouvrage, et pourquoi il faut se méfier de cette assomption ?

Le syndrome de la cabane de chantier

Une première erreur courante est de considérer que le bâtiment modulaire est temporaire, que l’on ne construit que des cabanes de chantier, la trame en acier est visible depuis l’extérieur, les planchers sonnent creux… Autant de stéréotypes associés aux cabanes de chantier.

Et la cabane de chantier, ça ne coute pas cher. Il y a donc cette première association qu’il faut combattre. Le modulaire existe dans tous les gouts et les couleurs. Il existe en acier, en bois ou en béton, il existe avec des niveaux de finition et de prix qui varient.

Certains modules incorporent des dalles en béton, et des niveaux de finition qui font pâlir d’envie les bailleurs sociaux et les promoteurs de l’hexagone.

Il est vrai que nous ne sommes pas autant avancés dans ces modules que nos voisins européens (UK, Allemagne, etc.), mais l’industrie a le vent en poupe en France, elle est tout à fait capable de produire des bâtiments de qualité et se développe d’une manière remarquable.

Le modulaire n’est qu’un principe constructif

De la même manière, beaucoup pensent que le bâtiment modulaire est un empilement de boîtes identiques et que cette composition définit l’image du bâtiment ; en gros, que l’on construit un batiment de modules.

Hors le bâtiment n’est – heureusement – pas juste un assemblage de modules. Le module n’est qu’un mode constructifs au service d’un bâtiment, et n’occupe qu’une place partielle dans ce dernier.

Autour du module sont mises en œuvre de nombreuses techniques de construction qui font appel aux talents de métiers spécifiques et font l’objet d’une composition architecturale au même titre qu’un bâtiment classique.

L’architecte reste maître de son projet, la façade répond à son environnement, elle est d’ailleurs le plus souvent réalisée par un façadier indépendant du module, les parties communes et non répétitives sont réalisées de manière traditionnelle, tout comme en général le soubassement (RDC) qui fait l’interface avec la ville.

Le module disparait alors de l’image du bâtiment, prend sa place là où il est pertinent et permet aux concepteurs et constructeurs de concentrer leur valeur ajoutée sur les points stratégiques du projet.

Atelmier de construction modulaire

Le modulaire doit être optimisé comme produit industriel

L’élément différenciant du batiment modulaire, c’est sa fabrication hors site, c’est-à-dire loin du chantier. En fait, le module est fabriqué selon un processus et dans un outil de production particulier. En tant que tel, il doit être pensé pour être fabricable et optimisable.

L’industrie modulaire sait tirer profit de la rationalisation des éléments pour retrouver une répétitivité dans leur production. Il ne s’agit pas de faire toujours la même chose, mais de comprendre quels changement le fabricant peut accepter sans surcouts conséquents et quels changements changent radicalement l’économie du projet.

Cette approche s’appelle le DfMA ou conception pour la fabrication et la mise en œuvre, qui est essentielle au travail du concepteur du bâtiment modulaire.

Comment mesurer le coût du bâtiment

Enfin, le coût du bâtiment est trop souvent mesuré comme le cout de construction. Hors, à l’échelle de vie de 50 ans du bâtiment, ce cout ne représente que 25% de son cout global.

Le modulaire apporte des frais de montage et de gestion du projet de bâtiment plus légers (temps de construction réduit), mais surtout une économie en entretient et maintenance du bâtiment (source Citizen M).

Il apporte enfin une vraie économie en fin de vie du bâtiment, car les modules peuvent être désassemblés, traités, recyclés ou reconditionnés, ouvrent la possibilité d’un vrai cycle de vie du bâtiment.

Penser économie circulaire

Conclusion

Oui, il faut arrêter de dire que le bâtiment modulaire est moins cher. Il peut l’être, lorsqu’il est mis en œuvre de manière cohérente entre le projet et l’outil de fabrication.

Il est en général moins cher en coût global, si l’on prend compte de l’impact du chantier, des gains économiques relatifs aux délais, à la maintenance du bâtiment et à son impact carbone, mais il ne faut pas s’attendre à payer moins cher un bâtiment modulaire qu’un bâtiment classique. Hors c’est le cout de construction qui qualifie le plus souvent le coût du bâtiment

A mes clients qui veulent construire plus vite, mieux et moins cher en modulaire, je leur réponds que l’on peut construire plus vite et mieux, mais que, à moins qu’ils changent leur évaluation du cout d’un bâtiment et qu’ils entrent dans une démarche de conception industrielle, le bâtiment ne leur coutera pas moins cher.

A ceux qui veulent aller plus loin dans cette démarche d’avenir, je leur propose de me contacter, d’échanger et de construire ensemble une stratégie d’avenir pour que chacun tire profit de cette merveilleuse approche du bâtiment.

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