Ceux qui me connaissent le savent, j’aime placer les choses dans leur contexte. De fait, je suis un fan de l’approche systémique, de l’analyse de l’objet et de ses interactions dans son écosystème et dans son histoire.
C’est suite au colloque de l’ACIM que m’est venue l’idée de cet article qui explique pourquoi il y a tant de résistance à l’industrialisation de la construction. C’est une collection de bribes de discussions collectées lors de ce très bel évènement.
L’industriel, recours du dernier espoir
Historiquement, nous ne faisons appel à la construction industrialisée que lors des grandes crises. Trois grandes phases ont marqué notre vision de la construction industrialisée :
L’après-guerre en est le premier exemple, avec un besoin colossal et une nécessité de remettre le pays sur pied au plus vite, ensuite viennent les trente glorieuses, et des flux migratoires essentiels à notre développement économique que nous avons réussi à loger grâce à une construction à rythme effréné.
Enfin, nous avons toujours recours à la construction industrialisée dans les situations d’urgence, de logement temporaire et de réponse à des crises sanitaires ou géopolitiques de plus en plus intenses.
A chaque crise, à chaque appel au secours, l’industriel a répondu présent, et était le seul capable de répondre à ces situations de crise.
Mais tout ceci est venu avec un vice caché, un prix à payer dont personne ne se doutait : toutes ces constructions ont été conçues pour répondre à un besoin d’urgence, avec une qualité au plus juste pour offrir au plus grand nombre un logement décent. C’est la qualité architecturale et de finition qui a été souvent sacrifiée sur l’autel de la charité, et non pas par l’industriel mais par le contexte historique.
Et puis, que voit-on du bâtiment industrialisé ?
Lorsque l’on parle de bâtiment industrialisé, la cabane de chantier est le premier élément qui vient à l’esprit. Et pour une bonne raison : lorsque le bâtiment industrialisé est définitif, il est indiscernable d’un bâtiment traditionnel. Dans le paysage urbain, on ne voit donc que ces objets incongrus, qui envahissent l’espace public, voire se posent au-dessus de nos têtes, et qui sont -par nature – associés aux nuisances du chantier.
Dans ces conditions, comment ne pas associer l’industrialisation à ces cabanes de fortune et à une nuisance dans le paysage urbain ?
Des années de relégation
Ces deux éléments expliquent la position du bâtiment industrialisé dans la culture de la construction en France. Le traumatisme des constructions précipitées et de pauvre qualité (selon nos critères actuels) d’après-guerre et des conséquences actuelles (phénomène de « cités ») a relégué la construction industrialisée à un type de construction exceptionnel, qui n’a jamais mérité d’être reconnu comme mode constructif à part entière.
Dans le monde de la construction, l’industriel a été mis de côté, oublié, et ses techniques déconnectées de l’évolution des règlementations. Les lobbies se sont développés sans eux, les normes ne les ont pas pris en compte et l’opinion publique s’est détériorée ; à un tel point que la construction industrialisée a perdu pied.
Alors quel est le futur de ce héro oublié de la reconstruction, de l’accueil des flux migratoires, de la protection des plus faibles ?
Une nouvelle crise
Comme chaque héro, il retrouve sa gloire en période de crise. Et l’industriel ne fait pas exception à la règle. Le monde est ingrat, mais aujourd’hui ses méthodes de fabrication permettent de répondre aux enjeux majeurs de la filière :
· Environnement
· Capacité de production
· Qualité de la production
· Développement d’une industrie
D’un coup, son image est redorée, et le monde du bâtiment réclame une proportion grandissante de bâtiment fabriqué hors chantier, le gouvernement pousse au recours à ces techniques et les politiciens espèrent réindustrialiser le territoire.
Oui, mais
Toutes ces années de négligence n’ont pas laissé la filière indemne. Bien entendu la filière a besoin d’être aidée financièrement, d’être poussée politiquement et d’être reconnue pour ses atout, mais cela ne suffira pas.
Dans un monde ou le bâtiment est défini par les normes et les assurances, il est difficile de se faire une place. Pour sauver la situation, la construction industrialisée a besoin d’aide, elle a besoin d’être réhabilitée dans son ensemble, d’être à nouveau intégrée dans les règlementations, d’être réévaluée dans les systèmes d’assurance, et de passer outre le syndrome NIMBY (Not In My Backyard, ou « oui mais pas chez moi »)
Donner un visage à ce nouveau héro
La filière se structure, et très peu d’acteurs peuvent personnaliser les intérêts des industriels. Néanmoins, l’ACIM prend de l’ampleur, et a concrétisé cette année des chantiers importants de réhabilitation de la construction hors chantier. Ce syndicat professionnel a réussi à défendre les intérêts collectifs de ses membres, en concrétisant l’application de la RE 2020 aux bâtiments provisoires modulaires, mais surtout en travaillant avec le CSTB, en publiant le label QB53 qui réhabilite la construction modulaire comme mode constructif officiel et ouvre la voie vers un nouveau cadre d’application adapté à la construction hors-site.
Et le mouvement grandit. Mais il a besoin de vous, de nous. Ce n’est que ensemble que nous arriverons à créer une nouvelle industrie du bâtiment, moderne, hybride, et surtout qui participe activement à sauver la planète.
Rejoignez l’ACIM, rejoignez les démarches collaboratives de BIMfox, participons ensemble à l’élaboration d’une industrie du bâtiment plus inclusive, plus intelligente et plus vertueuse.