Construire un bâtiment « off-site » en anglais, ou hors site en traduction directe, devrait être simple. Pourtant de nombreuses tentatives se soldent par des échecs pour des raisons variées, mais aucune insurmontable.
Alors que la demande est de plus en plus importante et devient un enjeu de développement pour les maîtrises d’ouvrage de la France entière, petit coup de projecteur sur les trois points clés qui permettent de réaliser un projet hors-site de qualité :
1. Bien comprendre les approches hors site
2. La bonne technologie pour le bon projet
3. S’engager pleinement dans une démarche ambitieuse mais atteignable
Les deux grandes approches
Il est important de comprendre qu’il y a deux grandes écoles dans le hors-site. Deux approches principales qui ont chacune leur mérite. Lorsque l’on pense hors-site, on pense souvent modulaire 3D, mais il existe une approche beaucoup plus douce, qui consiste à mixer savamment les technologies.
L’approche modulaire 3D
Il s’agit de l’approche la plus aboutie du hors site. En effet, nous maîtres d’œuvre connaissons très bien la caractéristique du second-œuvre et ses affres. Le modulaire 3D est la seule technologie à ce jour qui permette d’embarquer le second-œuvre et d’offrir des qualités de finition d’usine sur l’ensemble du bâtiment.
Mais cette performance vient à un prix. Le modulaire 3D est compétitif dans une approche DfMA (cf article) qui vise à rationnaliser la fabrication et trouver de la répétitivité à l’échelle du module. Cela se traduit par de fortes contraintes sur la conception du bâtiment comme sur sa formulation (DPGF, CCTP, …) et son montage financier (paiement des modules à la fabrication, …).
Il s’agit donc de la technologie qui apporte le plus d’avantages (« zéro réserves », délais de chantiers divisés par deux, presque zéro nuisances, etc) mais qui requiert l’investissement le plus important en termes d’étude et d’investissement architectural.
L’approche mixte
Tout le monde n’est pas prêt à se jeter corps et âme dans une révolution technique qui impacte l’ensemble de la chaine de valeur. Heureusement il existe une approche intermédiaire, mixte et beaucoup plus mesurée que la modulaire 3D. Elle permet d’introduire des éléments industrialisés progressivement et de basculer en douceur vers un nouveau mode constructif.
L’approche mixte, c’est le recours à des éléments industrialisés selon nos choix et nos ambitions, depuis le mur à ossature bois (déjà très répandu) jusqu’à la salle de bains préfabriquée. Mais il existe une multitude de systèmes innovants, souples et fiables à mettre en œuvre dans le bâtiment. Modules techniques entiers, gaines préfabriquées, systèmes électriques préfabriqués, panneaux de sol ou encore de toiture sont autant de solutions intermédiaires qui ne demandent qu’à être utilisées.
Alors bien sûr, on ne parle pas de second-œuvre (à l’exception de l’intérieur des salles de bain préfabriquées), mais on parle déjà de réduction drastique des nuisances, de meilleures conditions de travail, de hausse de la qualité du bâti et de réduction des délais.
Et le plus beau, c’est que le passage vers le bâtiment industrialisé peut être progressif et invisible depuis l’extérieur. Après tout, la façade à ossature bois ou les panneaux à ossature métallique sont des techniques maîtrisées et parfaitement intégrées dans nos processus de fabrication actuels.
La bonne technologie pour le bon projet
Tout commence par une bonne appréhension de l’ensemble du projet et de son environnement qui ont un impact important sur le cout et la capacité de fabrication hors site.
Le programme
Certains programmes sont plus ou moins adaptés aux différentes approches : le logement « monopièce », du type logement étudiant, résidence sénior, est particulièrement adapté à la technologie modulaire 3D. En effet, chaque unité d’habitation est identique et présente le potentiel d’être reproduit à une échelle suffisante pour intéresser un industriel, alors que le logement de luxe est beaucoup plus adapté à une approche par composants 2D qui permettent une plus grande flexibilité des espaces.
Le gabarit
Chaque parcelle est unique et présente une géométrie et un contexte particulier. La première contrainte est celle du gabarit constructible. Influencé par une densité cible, une forme de parcelle et des règles d’urbanisme, le gabarit constructible peut rapidement devenir un critère d’élimination du modulaire 3D.
Hauteur de niveau insuffisante, angles biais et rapports SHAB/SDP sont les trois grandes problématiques du modulaire 3D, qui double des parois et requiert une grande hauteur d’étage. Ces contraintes permettent d’orienter son choix vers le procédé le plus adapté.
Le contexte politique
Il est tout aussi important de prendre en compte le contexte politique. En effet, la construction hors-site permet de répondre à un certain nombre de problématiques essentielles. Les zones sensibles (milieux occupés, hospitalier) poussent à utiliser le hors-site le plus abouti afin de limiter les nuisances sur site ; le besoin urgent (crises humanitaires, sanitaires) ou temporaire trouve également leur réponse dans la construction modulaire 3D.
Mais certains environnements, certaines populations aspirent à des constructions très traditionnelles, vêtues d’enduit et de pierre naturelle par exemple. Il faut alors adapter son approche et trouver plus de souplesse, offrir une peau architecturée et un intérieur industrialisé (recours à l’approche mixte). Passer au tout hors-site est un vrai changement de paradigme et tout le monde n’est pas prêt à franchir le cap d’un coup.
L’engagement au cœur du succès
Toutes les solutions intermédiaires de transition vers un modèle plus industrialisé existent. Plus nous accompagnons de projets, plus nous nous rendons compte que le succès repose dans un engagement fort de la part des décideurs.
Se donner des objectifs réalistes
Tout d’abord il faut se donner des objectifs que l’on est capable de tenir. Chaque acteur est différent et une startup peut se lancer dans le tout modulaire alors qu’un acteur historique devra fournir beaucoup plus d’efforts pour faire évoluer son entreprise.
Nous avons vu que le hors-site peut être progressif, et en réalité la plupart des acteurs se sont déjà lancés dans l’aventure en faisant appel à des fabricants de murs à ossature bois, de dalles préfabriquées, etc. Il s’agit d’un bon début et l’objectif est de construire sur cette dynamique. Les objectifs sont là pour faire avancer la machine, et il doivent être suffisamment ambitieux pour motiver et assez réalistes pour ne pas décourager.
Auditez vos process et déterminez vos prochains objectifs dans une politique de longue haleine, et, surtout, accompagnez ces objectifs d’une obligation de moyen, on n’y arrive que si on a engagé les moyens d’y arriver.
Lever les obstacles au changement
Il n’est pas évident de demander à ses équipes ou à soi-même de changer ses habitudes. Il est donc essentiel de comprendre quels seraient les obstacles au changement, et comment les lever. Parfois il s’agit d’habitudes et de documents types tellement ancrés dans le système qu’ils sont inflexibles ; parfois la structure de bonus ne permet pas aux opérationnels de prendre des risques.
L’important, c’est de bien comprendre pourquoi le changement est compliqué, et comment motiver la transition.
S’approprier les résultats
Construire hors-site, c’est construire responsable, c’est limiter les nuisances, participer à la réindustrialisation, créer des emplois stables, participer à la réduction des émissions de carbone, ou encore améliorer les conditions de travail des métiers du bâtiment.
Choisissez un axe de développement et intégrez-les dans votre politique d’entreprise. Faites-en votre mission, et donnez-vous des objectifs sur 5 ou même dix ans. Aujourd’hui l’image du travail joue un rôle prépondérant pour les salariés, et participer à un mode meilleur est une vraie source de motivation.